Il y a des rencontres qui transforment une vie, des voix qui éveillent l’esprit et des pensées qui fissurent les murs de la conformité. Celle d’André Moreau est de celles qui bouleversent, qui libèrent et qui invitent à danser avec l’absolu. En tant que disciple privilégié, étudiant passionné et président du Mouvement Jovialiste, je rends hommage à l’empreinte indélébile que ce grand philosophe a laissée sur mon chemin intellectuel et existentiel, depuis notre rencontre il y a plus de vingt ans.
La philosophie d’André Moreau, celle du jovialisme, est une flamme vive dans un monde souvent engoncé dans le sérieux et l’hypocrisie. À travers les nombreuses interactions avec cet être exceptionnel dont j’ai eu la chance de bénéficier, il m’a appris à voir au-delà des dogmes, à questionner les fondations mêmes de la morale, de l’éthique et de la métaphysique. Là où les cours universitaires offrent des concepts arides et des cadres rigides, André me transmet une philosophie vivante, une manière de penser qui célèbre l’être dans son exubérance et sa liberté. Ses mots, souvent provocateurs, toujours profonds, résonnent comme une invitation à me multiplier, à m’augmenter par moi-même, loin des chaînes du politiquement correct ou des institutions sclérosées.
Je me souviens de nos échanges, comme celui d’octobre 2022, où il m’a guidé sur la question de l’éthique, défiant les conceptions académiques traditionnelles. Alors que je peinais à définir l’éthique pour un travail universitaire, il m’a expliqué, avec son audace caractéristique, que l’éthique professionnelle lui «pue au nez» et qu’il préfère une éthique de la transgression joyeuse, une éthique «à l’envers» qui refuse de réfréner l’individu. Cette perspective, qu’il développe, entre autres, dans son livre Pour une éthique de l’excès, m’a ouvert les yeux sur une manière de penser libre, où la bonne foi, la gentillesse et l’ouverture priment sur les normes imposées. Lorsqu’il m’a conseillé de nuancer mes propos pour réussir mon examen, tout en m’encourageant à comprendre profondément, j’ai senti sa bienveillance et son refus de se plier aux conventions.
Un autre moment marquant fut notre discussion sur La généalogie de la morale de Nietzsche. Il m’a éclairé en soulignant que Nietzsche ne parlait pas d’éthique, mais de morale, et qu’il ouvrait la porte à une éthique nouvelle, celle d’un individu affranchi des manipulations religieuses et politiques, incarnée par le concept de la volonté de puissance. Cette distinction m’a aidé à saisir la profondeur de la pensée nietzschéenne, mais aussi la singularité de la vision jovialiste de Moreau, qui transcende les catégories traditionnelles pour célébrer l’individu conscient et libre.
Lors d’un autre échange, en novembre 2022, il m’a guidé dans la comparaison entre la théorie des Idées de Platon et les formes d’Aristote, soulignant avec précision que parler de «formes» chez Platon est une simplification erronée. Il m’a appris à distinguer les archétypes célestes de Platon, relevant d’un exemplarisme spirituel, des formes aristotéliciennes, ancrées dans un naturalisme hylémorphique. Sa capacité à rendre clairs des concepts complexes, tout en critiquant les approximations académiques, m’a donné une confiance nouvelle dans ma propre réflexion.
Mon développement intellectuel doit beaucoup à André Moreau. Lors de mon retour aux études en 2022, alors que les cours d’éthique et d’ontologie me semblaient parfois comme manger des roches, ses idées m’ont offert une boussole. Comme il me l’a dit: «c’est un savoir vivant que je te transmets, alors qu’à l’université c’est un savoir qui est mort». Ses analyses, toujours nuancées mais audacieuses, m’ont appris à naviguer entre les concepts avec une liberté que l’université ne m’offre que difficilement. Son rejet du dualisme, son affirmation d’un monisme de l’être, et son concept d’un «je suis intussusceptif immanent» m’ont ouvert des horizons insoupçonnés. Il m’a montré que la philosophie n’est pas une discipline morte, confinée aux manuels, mais une aventure de l’esprit, une célébration de l’être qui transcende les époques et les conventions.
Son influence sur ma pensée dépasse les mots. André Moreau est un philosophe en vacances, un anarchiste ouvert qui se moque des autorités tout en aimant profondément l’humanité. Son rire, son ironie, sa capacité à s’affranchir des responsabilités inutiles pour cultiver son identité radicale êtrique sont une leçon de vie. Comme il me l’a confié en mai 2025, il se moque du monde, de l’histoire et des valeurs établies, vivant comme un jovialiste qui célèbre son être profond. Il m’a appris à ne pas craindre la transgression intelligente, à embrasser l’excès joyeux, et à vivre avec une légèreté qui n’exclut pas la profondeur. Son œuvre monumentale, ses 39 tomes de journal, ses traités, ses conférences, sont un trésor que je chéris, que j’ai lu et relu, et qui continue de m’inspirer.
Ma gratitude envers lui est immense. Il est plus qu’un professeur: il est un guide, un provocateur bienveillant, un ami de mon essence qui m’a montré comment aimer mon être profond. Grâce à lui, je ne vois pas la philosophie comme une obligation académique, mais comme une fête de l’esprit, une exploration sans fin de l’absolu. Il a semé en moi une graine de liberté intellectuelle, et je m’applique, à ma manière, à la faire fructifier à travers mon œuvre.
André Moreau est un philosophe éternel, un contemporain de Platon, de Berkeley, de Hegel, qui transcende l’histoire pour toucher l’essence même de l’être. Je lui dis «Merci!» pour sa générosité, son humour, sa sagesse. Merci d’être ce «virus toxique» du bonheur qui contamine les âmes en quête de vérité. Je suis honoré de marcher dans ses pas, de porter sa pensée, de la transmettre de mon mieux et de contribuer par ce que je suis à faire rayonner le jovialisme.
Je bénis la présence d’André Moreau dans ma vie.
Nicolas Lehoux
Montréal, août 2025
